Le feuilleton de La Ficelle

**Denis** Mer 4 Jan - 23:02

Le livre de Gwyramn
Par Anicet W. Letrouvé
Oh, honorable lecteur, viens découvrir en ces pages les hauts faits d'armes que je vais te conter. Que ces récits t’emmènent en des temps reculés et en des lointains royaumes. Qu'ils te conduisent sur les pas de celui dont les siècles ont laissé le souvenir sous le nom de Saint Guérand.
Apprête-toi, lecteur, à laisser filer ton imagination bien avant les temps de la Grande Guerre et du Cataclysme, bien avant les trois glorieuses dynasties de Nerath, en un temps ou les cruels empires d'Arkhosia et de Bael Turath étendaient leurs jougs cruels des blancs rivages glacés de Damarie aux jungles impénétrables de Tashalar, des ruines des antiques cités elfiques de Jrustéla jusqu'à la tempêtueuse presqu'île de Lathan.
Gwyramn était le troisième fils d'un modeste chevalier de Sembie, Thédofor. Sa lignée s'était abstenue de tout commerce avec les forces infernales qui avaient permis de briser l'hégémonie des seigneurs drakéides tout en marquant pour l'éternité l'âme et la chair des libérateurs et de leurs descendants.
Thédofor périt sous la bannière de l'empire de Bael Turath à la bataille de Chélimbre, sous la lame de Xenoclec le Boucher, le légendaire guerrier drakéide dont le nom évoquait tant de massacres atroces qu'on ne le prononçait qu'à voix basse de peur d'attirer sur soi le malheur. Gwyramn, atteignait alors à peine son quatrième printemps. Sa mère, Blanche de Roncerouge fit ce qu'elle put pour permettre à son plus jeune enfant de grandir en force. C'était un enfant énergique et fort aimé, qui se montrait très vite de bonnes dispositions pour la chasse et le soin des animaux. Les ressources de la famille étant très minces, Blanche le plaça comme palefrenier dès qu'il en eut l'âge. Son ardeur infatigable au travail et sa noble naissance lui permit de vite devenir écuyer.
A 14 ans, Gwyramn avait fière allure. Par sa stature et la largesse de ses épaules, il avait déjà la robustesse d'un homme bien bâti. Il laissait pousser longs des cheveux bouclés d'un rouge de feu. Son visage, s'il n'était ni fin ni réellement délicat, n'était cependant pas sans harmonie et il en émanait une force qui impressionnait ses jeunes camarades. Sa peau blanche et fine tranchait quelque peu avec l'aspect presque rustre du jeune écuyer.
C'est à cet âge que pour la première fois la mort et la gloire allaient s'attacher à son nom. Dans le comté d'Iriaebor se tint un important tournoi. Des chevaliers de toute la Sembie et leurs équipages affluaient sur le champ du tournoi. Trouvères et bardes, jongleurs et forains, marchands amenant des biens de tout l'empire, gentes dames, paysans et badauds bourgeois donnaient à la bourgade un air de grande ville animée.
Gwyramn découvrait pour la première fois une telle activité et une telle opulence. Son air émerveillé lui valut les moqueries de quatre écuyers de Telflamme. Gwyramn, atteint dans son honneur, exigea sur le champ réparation. Ses quatre aînés rirent de sa prétention et Gwyramn se rua sur le premier d'entre eux avec une sauvagerie surprenante et lui brisa la mâchoire net d'un coup de poing bien ajusté. Tandis que deux de ses rivaux le ceinturaient, le plus âgé des écuyers sortit une lame effilée et fit savoir à grand cri qu'il allait sur le champ lui trancher le gorge et le saigner comme un porc.
A suivre au prochain numéro...